Peshavan Saadi est originaire du Kurdistan irakien. Dans cet entretien, il revient sur son p¨¦riple de r¨¦fugi¨¦ ¨¤ acteur humanitaire au sein du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA)

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui vous a amen¨¦ ¨¤ travailler dans le domaine humanitaire ?

J¡¯ai grandi en ¨¦tant t¨¦moin d¡¯histoires de survie, de force et de r¨¦silience.

Quand j¡¯¨¦tais un b¨¦b¨¦, ma m¨¨re m¡¯a port¨¦ sur les pistes des montagnes gel¨¦es vers la fronti¨¨re avec la T¨¹rkiye apr¨¨s que nous avons fui notre foyer suite ¨¤ la premi¨¨re guerre du Golfe en 1991. Elle craignait des repr¨¦sailles du r¨¦gime de Saddam.

Avec le peu de nourriture que nous pouvions porter, mais une forte d¨¦termination ¨¤ survivre, ma m¨¨re se souvient encore quand les Nations Unies ont apport¨¦ du pain et des couvertures, nous redonnant de l¡¯espoir et nous fournissant une bou¨¦e de sauvetage. Ces drapeaux bleus signifiaient la vie pour nous.

Des d¨¦cennies plus tard, alors que je travaillais avec le Programme alimentaire mondial en Irak, pendant des missions de livraison de nourriture aux familles Yezidi coinc¨¦es dans les Monts Sinjar apr¨¨s les attaques de l¡¯?tat islamique (EI) en 2015, j¡¯ai vu des m¨¨res s¡¯accrocher ¨¤ leurs enfants, apr¨¨s ¨ºtre pass¨¦es par le pire, attendant de l¡¯aide. Certaines avaient perdu tous leurs proches dans les attaques ou les kidnappings perp¨¦tr¨¦s par l¡¯EI.

Cela m¡¯a rappel¨¦ les histoires que me racontait ma m¨¨re ¨¤ propos de 1991.

C¡¯est l¨¤ que j¡¯ai r¨¦alis¨¦ que j¡¯appartenais au terrain et que je voulais faire partie d¡¯un syst¨¨me qui m¡¯avait autrefois sauv¨¦, moi et ma famille?; de cette fa?on, je pouvais donner en retour en aidant ceux qui en avaient le plus besoin.

Comment cela vous a-t-il mener ¨¤ New York ?

Je travaille au Bureau Syrie dans la Division de la r¨¦ponse d¡¯urgence.

Le changement entre le travail sur le terrain et au si¨¨ge ¨¦tait important. En Irak, j'ai travaill¨¦ en ¨¦troite collaboration avec les r¨¦fugi¨¦s syriens, notamment dans le plus grand camp de r¨¦fugi¨¦s du pays ¨C le camp de Domiz ¨¤ Duhok ¨C qui accueillait ¨¤ une ¨¦poque plus de 69?000 personnes. J'ai pass¨¦ plus de cinq ans ¨¤ travailler dans ces camps.

Ainsi, m¨ºme si cette interaction directe me manque aujourd¡¯hui, je suis capable d¡¯apporter cette perspective ¨¤ mon poste de bureau, car je sais ce que l¡¯on ressent lorsqu¡¯on est de l¡¯autre c?t¨¦ de notre r¨¦ponse.

Parce que vous avez ¨¦t¨¦ vous-m¨ºme r¨¦fugi¨¦.

Oui. J'avais ¨¤ peine deux ans lorsque, juste apr¨¨s la premi¨¨re guerre du Golfe, ma m¨¨re s'est enfuie ¨¤ pied avec mon fr¨¨re et moi ¨¤ travers les montagnes froides, s¨¦par¨¦es de notre p¨¨re qui nous cherchait pour rejoindre la Turquie.

Pendant environ une semaine, nous avons surv¨¦cu avec le peu de nourriture que nous emportions. Mais beaucoup d'autres n'ont pas surv¨¦cu au froid glacial des montagnes et au manque de nourriture, d'eau potable, d'abris et de fournitures m¨¦dicales.

Quand enfin, le 3 avril 1991, le Conseil de s¨¦curit¨¦ a finalement autoris¨¦ l'envoi de secours, l'ONU a pu nous fournir de la nourriture, de l'eau, des m¨¦dicaments et un abri. Cela nous a sauv¨¦s.

Sans les Nations Unies, nous n¡¯y serions jamais arriv¨¦s. Je suis tr¨¨s fier de faire partie d¡¯une organisation qui sauve des vies. Ce n¡¯est pas qu¡¯un slogan : c¡¯est la r¨¦alit¨¦ que j¡¯ai v¨¦cue.